Anniversaire : à l’occasion de l’anniversaire de Paul, Sophie Debouverie lui a offert :

L’invention de l’anniversaire, Jean-Claude Schmitt, Paris, Arkhè, 2017

Avant-propos

Rythmer le temps (p.9)

  1. Les « Livres des costumes », Matthäus et Veit Konrad Schwarz (p.15)
  2. Conditions et obstacles (p.37)
  3. Les « Ages de la vie » (p.57)
  4. En Amont : exploration (p.65)
  5. En aval : l’adoption croissante de l’anniversaire (p.61)

Pour finir (p.97)

L’auteur, médiéviste, spécialiste d’anthropologie historique, attentif à ce qui rythme l’existence, nous propose une démarche d’historien exemplaire.

Constatant qu’aucun historien ne s’est interrogé sur la pratique et l’histoire de l’anniversaire – moment de la vie d’un individu qui occasionne fêtes, cadeaux et qui rythme autant la vie qu’il implique des modalités de socialisation -, il s’est chargé de mener l’enquête.

Il constate que les chansons d’anniversaires sont très récentes : début du XXe siècle (1924 pour « Happy Birthday » sur musique de 1893) et mi-XXe siècle (1951 pour « Bon anniversaire nos vœux les plus sincères »)! et que la pratique qui rythme la vie individuelle et sociale n’a commencé à se généraliser dans les sphères bourgeoises aisées qu’au XIXe : il s’appuie sur l’exemple de Goethe dans sa vie et dans ses romans (p.93-96).

Pour mener cette enquête l’auteur est parti d’un nouveau regard sur un ouvrage manuscrit du XVIe siècle (déjà étudié et publié) : Le « livre des costumes » (Trachtenbuch) de Matthäus Schwarz (1497-1567), poursuivi par son fils Veit au XVIe siècle. Ce personnage qui était directeur financier de la firme des Fugger à Augsbourg a eu l’idée à partir de ses 23 ans de ponctuer les étapes de sa vie en se faisant représenter dans différents costumes : les gravures sont commentées et datées, et certaines correspondent à sa date d’anniversaire, mais ce n’est pas systématique. Il y a 137 images, dont 13 correspondent à son anniversaire (p.31).

L’auteur passe alors en revue les pratiques médiévales qui ignorent l’anniversaire de naissance : il en cherche les raisons tant religieuses, idéologiques qu’administratives. Pas d’état civil (p.37) et le baptême est peu fiable car le moment de cette cérémonie par rapport à la naissance dépend des époques (p.39). Dans la Bible le jour de naissance est souvent associé à des catastrophes à venir comme en témoigne Job qui déplore le jour de sa naissance (p.45) ! Et puis le « dies natalis » est celui de la mort : l’entrée dans le royaume de Dieu, la vie éternelle (p.44). Enfin, le souci de fêter l’anniversaire relève du paganisme ! Le témoignage de l’étonnement de Marco Polo assistant à l’anniversaire du Grand Khan confirme l’absence de la coutume en Occident (p.66-67).

Quelles furent les conditions qui ont permis à l’anniversaire de s’imposer ? La résurgence des coutumes antiques dans le contexte de l’humanisme, avec passage du sacré officiel à l’intime désacralisé. La diffusion de l’astrologie dès le XIVe siècle (p.41). Puis la mise au point de l’état civil avec la Révolution française. Essentiellement, le rejet de l’imprégnation chrétienne et le changement de conception du rythme de la vie : « le temps circulaire liturgique, support des fêtes religieuses et de la memoria des défunts », est remplacé par le « temps linéaire qui capitalise les années plus qu’il ne les reproduit à l’identique » (p.98). Également la préoccupation de classer les âges de la vie, classification variable selon les époques ! (Chapitre III, p.57 sq.)

L’auteur conclut en soulignant l’ancienneté toutefois de l’anniversaire dans la perspective de la longue durée, car cela révèle « les choix contingents d’une culture face à des problèmes aussi importants que ceux du temps, de l’identité individuelle, de la conscience de soi, de son âge, de son corps et de l’approche inexorable de la mort. » (p.99)